Lorsque nous avons travaillé sur notre approvisionnement en citrons biologiques dans l’objectif de produire notre Limoncello, on cherchait du sens et de la qualité. Et dans cette recherche, notre ami photographe Clément Martin nous a parlé de la coopérative Bourlingue et Pacotille, basée à Marseille, pionnière dans le transport décarboné à la voile de produits méditerranéens.

Fan immédiat du projet, nous les avons contactés très vite pour avoir un peu plus d’informations sur le fonctionnement et l’origine des produits. Ce qui est formidable, c’est qu’en plus du transport à la voile, la coopérative est constituée de sociétaires passionnés, mais aussi des producteurs qui fournissent les produits. Pour nous pas de doutes, on devient aussitôt sociétaires de cette belle aventure, malgré notre distance territoriale de Marseille. On constitue un pôle lorrain en quelque sorte.
Mais quelle surprise et quel bonheur lorsqu’en appelant pour commander les citrons, on nous propose de prendre part à l’équipage qui partira 2 semaines à la force du vent direction la Sardaigne, puis la Corse, puis retour à Marseille pour acheminer une merveilleuse cargaison : vins, avocats, agrumes (dont nos citrons).
Il ne nous a pas fallu bien longtemps pour accepter, bien sûr, la proposition, pour partir à l’aventure sur le Barbara Nova, un voilier de 18 mètres en acier permettant de transporter 5 tonnes de marchandises. Du sérieux. Et en plus, nouvelle formidable, notre ami Clément Martin embarque avec nous pour documenter le voyage (et devient rapidement designer d’ambiance à bord).
Arrivée à Marseille, aucun vent pendant plusieurs jours, la pétole comme on dit, impossible de partir. Les aléas de la voile. Et ça a l’air d’en arranger certains car il y a pas mal de travaux encore à faire pour améliorer l’aménagement du bateau, qui a été acheté et rénové quelques mois plus tôt seulement.
On s’y met donc, en rencontrant un équipage incroyable, en apprenant à tous se connaître, et à s’habituer aux petits espaces d’un bateau comme celui-là, à la douce gîte d’un bateau au port, aux bruits des cordages et de la coque, à l’humidité aussi. Quelle chance de pouvoir faire des belles rencontres comme ça sur un projet ayant autant de sens. Enfin ce n’est sûrement pas un hasard qu’un beau projet comme celui-là rassemble des belles personnes.
Aucune expérience de la navigation. Aucun vocabulaire naval non plus. Heureusement, nous avions un capitaine en or (merci Alexandre) pour nous apprendre sur le tas. 

Du vent, enfin ! Départ de Marseille et c’est parti pour 72h de navigation jusqu’au Nord de la Sardaigne pour charger du vin et des pâtes. Grand soleil, mer calme au début, vent de face et premiers virements de bord. Une grande excitation pour cette première navigation. Puis le premier quart en duo, puis en solo. Très impressionnant d’être à la barre d’un voilier en acier de 18m, sans terre à l’horizon, sous la pleine lune, avec une houle qui grandit et un bateau qui gîte à 45° face au vent. Je n’aurais jamais imaginé faire ça en devenant distillateur ! 

Après le quart de nuit, il est l’heure d’aller se reposer et de rentrer dans sa cabine. Et là, il n’a pas fallu longtemps pour que le premier mal de mer arrive subitement : l’oreille interne ne comprend rien, les mouvements du bateau lui apparaissent comme un poison : bye bye le dîner. Les trois jours de navigation passent très vite, en alternant entre quart de jour, sieste, nourriture simple, quart de nuit, nourriture, sommeil. 
Le corps a besoin de sommeil mais je commence à entrevoir ce que ça veut dire un sommeil de marin. Léger. Très léger.
Arrivée à Isola Rossa pour charger du vin et des pâtes, sans oublier de goûter tout ça. Départ dès le lendemain direction Bastia ! C’est l’étape qui nous intéresse ici. On y rencontre Vivien (A Natura di Noceta), producteur d’agrumes et d’avocats en Haute Corse, qu’il fait pousser sans irrigation sur un terrain où il a abattu un travail acharné. Il nous présente sa production, et notamment les 150 kg de citrons qu’on lui achète pour produire notre Limoncello.
Cueillis la veille, évidemment non traités, mûrs à point, ils sont énormes, avec un zeste bien épais, idéal pour préparer notre liqueur. Chargement du tout dans la cale du Barbara Nova, et départ illico presto pour Marseille, car un bon gros mistral arrive, et il s’agirait d’arriver avant lui. Les derniers milles nautiques se font avec des bonnes rafales de vent, une mer bien énervée, mais un équipage radieux de cette semaine de navigation !
De retour à la distillerie, on a juste eu le temps de faire une bonne nuit avant de s’y mettre directement : il y a quand même 150 kg de citrons à zester ! 

On s’étonne toute la journée de la taille des citrons, et on s’enivre de cette belle odeur. S’ensuit une macération de 45 jours où il faut être bien patient, puis une distillation des zestes, et enfin une réduction à 26% d’alcool avec de l’eau osmosée et du sucre pour créer un bel équilibre et être à la hauteur de tout le processus !

Une aventure sous forme de manifeste : lier la qualité des produits à l’humain, au respect de toute la chaîne de production et de l’environnement. On espère avoir mis un peu de tout ça dans nos spiritueux et dans notre Limoncello : on espère que ça vous plaira !

Récit : Nicolas Hillaire | Photos : Clément Martin